L’IVG médicamenteuse à Noisy-le-Sec

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Charlotte Vinson, sage-femme spécialisée en santé sexuelle pour toutes et tous au Centre municipal de santé Fernand Goulène de Noisy-le-Sec et à l’Unité de prévention et de santé publique, et Anne Déo, adjointe au maire déléguée à la santé, au handicap, aux solidarités et à l’accès aux droits, présentent le lancement de l’IVG médicamenteuse (interruption volontaire de grossesse par prise de médicaments) au Centre municipal de santé de la Ville.

De quelle manière s’est mise en place l’IVG médicamenteuse au centre médical de santé (CMS) de Noisy-le-Sec ?

Anne Déo (AD) : Cela faisait déjà de nombreuses années que nous souhaitions mettre en place l’IVG médicamenteuse au sein du CMS de Noisy-le-Sec. Cela était déjà fait à la PMI (protection maternelle et infantile) mais nous voulions renforcer les actions du CMS sur le volet planification familiale. 

Les élu·es et les équipes du CMS ont adopté le projet, et nous avons recruté Charlotte Vinson, sage-femme diplômée en santé sexuelle et affective, qui est habilitée à délivrer les médicaments pour réaliser l’IVG et adopte une approche transversale. Elle travaille 4 jours par semaine, avec 1,5 jours consacrés aux consultations et 2,5 jours consacrés à la formation et aux sensibilisations éducatives. Elle est rattachée à la Direction de la santé ; c’est un choix politique d’avoir découpé son poste autour de ces deux axes, le but n’étant pas la rentabilité mais la qualité de l’offre d’accompagnement des femmes. 

C’est un positionnement politique, militant et féministe. Prochainement, nous souhaiterions développer des actions à destination des femmes en situation de handicap, vulnérables ou ménopausées. Notre objectif est aussi de mettre en place des IVG par aspiration au centre municipal de santé. 

Comment se déroule le parcours des femmes souhaitant réaliser une IVG médicamenteuse ? Quels partenaires sont mobilisés ?

Charlotte Vinson (CV) : À mon arrivée, je voulais absolument travailler sur le réseau des professionnel·les en amont, afin de faire en sorte que le circuit de l’IVG médicamenteuse soit respecté, fluide, et se déroule avec des professionnel·les identifié·es, formé·es et bienveillant·es. Nous avons notamment un partenariat privilégié avec l’hôpital de Montreuil qui réalise de son côté les IVG par aspiration et qui est notre interlocuteur direct en cas de complications. 

Les femmes qui appellent le CMS ou viennent sur place avec une demande d’IVG peuvent être reçues par l’une des infirmières. Cette dernière les accueille, répond à leurs questions et réalise l’orientation soit vers le CMS pour une IVG médicamenteuse ou soit directement vers l’hôpital si besoin. La formation complémentaire des infirmières du CMS par le réseau REVHO est déjà programmée. Une conseillère conjugale et familiale est disponible pour réaliser les entretiens pré et post IVG, et une sage-femme libérale réalise l’échographie de datation. 

Livret IVG noisy le secL’IVG médicamenteuse se déroule en deux étapes : la prise d’un premier comprimé au CMS avec moi, et la prise d’un deuxième comprimé à domicile entre 24 et 48h après. L’examen sanguin et la visite de suivi ont lieu a lieu entre une et deux semaines après la prise du premier comprimé. Nous avons réalisé un livret complet à destination des femmes leur permettant de rentrer chez elles avec toutes les informations nécessaires. Nous essayons de réduire au maximum les délais de rendez-vous en réservant des créneaux d’urgence pour les femmes en demande d’IVG. Réalisant les IVG les lundis matin et jeudis, les femmes peuvent, la plupart du temps, obtenir leur premier rendez-vous dans la semaine. 

Nous travaillons en relation avec six structures partenaires aux alentours pour orienter en cas d’urgence si besoin. Le CMS étant également un CPEF (centre de planification et d’éducation familiale), nous pouvons réaliser des prises en charge soumises au secret pour les personnes qui souhaitent garder l’anonymat (mineures ou majeures) et en gratuité pour celles qui ne disposent pas de couverture sociale. L’anonymat est un droit effectif. Un accompagnement spécifique est possible pour les mineures ou pour les femmes étrangères afin de faciliter leurs parcours. 

Enfin, j’effectue un recueil de données afin de quantifier le nombre d’IVG, les conditions et difficultés rencontrées ainsi que les complications. L’objectif étant également d’avoir leurs retours sur l’accueil, la prise en charge et de permettre d’améliorer le processus si nécessaire. Pour le moment, nous avons des statistiques très encourageantes. 

En quoi l’accès à l’IVG médicamenteuse est-il un enjeu de santé des femmes et d’égalité femmes-hommes ?

CV : C’est un enjeu d’égalité femmes-hommes de laisser les femmes choisir ou non d’interrompre leur grossesse. Il est nécessaire de souligner que l’IVG n’est pas qu’une histoire de femmes, mais qu’elle nous concerne toutes et tous. Les hommes peuvent jouer un rôle d’accompagnement et de soutien durant le parcours, même s’il est important de préciser que la décision finale appartient à la femme concernée. Il est essentiel que les femmes aient accès aux infrastructures nécessaires quand elles décident de pratiquer une IVG. 

Aujourd’hui, des obstacles juridiques et matériels persistent concernant l’accès à l’IVG médicamenteuse. C’est pourquoi il est important de communiquer sur les droits des femmes et de lutter contre ce tabou. Nous avons communiqué sur l’IVG dans le journal de la Ville. Des cartes de visites et cartes pour les professionnel·les ont été distribuées dans le cadre des rencontres et partenariats mis en place. Il reste encore de nombreuses structures ou associations à contacter.

Quelles sont les actions liées à la santé sexuelle menées sur la ville ?

CV : En dehors des consultations pour IVG médicamenteuse, je réalise au CMS des consultations de gynécologie et de santé sexuelle (contraception, IST, sexologie, etc.) et j’ai mis en place une procédure de dépistage systématique des violences auprès des femmes, pour déceler d’éventuelles violences conjugales, violences gynécologiques et obstétricales, mutilations génitales ou encore risques de mariages forcés. 

Si je ne réalise pas de consultations de suivi de grossesse, je propose des consultations post natales en accord avec l’ambition d’une nouvelle politique publique ciblée sur les 1 000 premiers jours. L’objectif est de prévenir les risques de dépressions ou de suicides, de déconstruire les idées reçues autour du lien maternel inné, du lien d’attachement et de la pression autour de la maternité. 

Ponctuellement, je fais des interventions auprès d’internes en gynécologie et obstétrique à l’hôpital, pour leur apprendre à dépister les violences lors de leurs consultations, à réaliser des examens gynécologiques bienveillants, à analyser leurs pratiques en leur permettant de comprendre la position de vulnérabilité dans laquelle sont les femmes patientes. 

Enfin, nous menons des actions à destination des élèves : des séances de prévention à la vie sexuelle et affective avec des classes de 4e, dans une approche positive et bienveillante (consentement, IVG, connaître le corps et le plaisir) ; et en 2022 nous allons sensibiliser des classes de CE1 aux clichés filles-garçons et au sexisme.