Entretien avec Yveline Nicolas, coordinatrice de l’association Adéquations

Yvelines Nicolas, coordinatrice de l’association Adéquations, nous présente les enjeux croisés entre transition écologique, genre et égalité et comment les politiques publiques peuvent s’emparer de ces questions.

Pouvez-vous expliquer les liens entre la transition écologique, le genre et l’égalité entre les femmes et les hommes, et quels en sont les enjeux ?

Les démarches et politiques sur le genre et celles pour la transition écologique ont en commun de concerner tous les secteurs d’activité dans le domaine social, économique, et écologique : modes de production et de consommation, transports, énergie, santé, urbanisme, éducation, participation citoyenne...

Cela offre donc un potentiel pour croiser les démarches et les politiques, favoriser les décloisonnements, promouvoir des initiatives qu’on appelle parfois à « co-bénéfices genre et climat ». Ces initiatives et politiques combinent la réduction des inégalités socio-économiques et environnementales. Par exemple : les familles monoparentales (une famille sur quatre en France, en 2020) sont à 83 % gérées par des femmes. Les difficultés de logement et la précarité énergétique les concernent directement. Dans ce domaine, la réflexion et les initiatives gagneront forcément à combiner aide sociale et transition vers des modes énergétiques plus durables.

D’une manière générale, en raison des disparités et inégalités de genre, des stéréotypes et de la construction des rôles sociaux ancrés de longue date dans les mentalités (et dans les institutions), on sait que les femmes et les hommes n’ont pas le même rapport à l’espace public, à l’usage des transports, à l’alimentation, etc. C’est pourquoi les diagnostics au prisme du genre sont essentiels avant d’élaborer des politiques publiques de transition écologique ou sur le climat.

Comment les politiques publiques peuvent-elles s’emparer de cette question ? Quels leviers peuvent-elles mobiliser ? (cadre légal, plans et rapports, etc.)

Il y a actuellement beaucoup d’occasions et d’outils pour promouvoir ces croisements « genre et transition écologique/climat ». Un exemple peut-être encore insuffisamment approprié : les « Agenda 2030 » qui sont les versions actualisées des anciens « Agenda 21 locaux » et qui visent à traduire localement les 17 objectifs de développement durable (ODD) adoptés en 2015 au niveau international. C’est un chantier intéressant, du point de vue des liens entre l’ODD n°5 sur l’égalité femmes-hommes et d’autres ODD qui concernent la transition écologique (climat, villes, agriculture, lutte contre la pauvreté, santé, eau etc.).1

Sur les plan des dispositifs en France, les rapports sur le développement durable mériteraient de mieux développer des objectifs d’égalité, de même que les stratégies pour le climat et l’énergie pourraient établir des diagnostics genrés (e.g. précarité énergétique genrée). Autres leviers possibles : l’éga-conditionnalité et la budgétisation sensible au genre associées aux mécanismes d’évaluation environnementale, de soutien à l’emploi des femmes et de promotion des emplois verts. Il ne faut jamais perdre de vue que documenter les questions de genre, récolter des données, visibiliser les disparités et inégalités est déjà une démarche importante.

Y a-t-il des collectivités qui ont déjà abordé ces enjeux croisés et mis en place des actions, plus particulièrement en Île-de-France ?

On peut citer ainsi l’intérêt d’établir des liens entre adaptation au réchauffement climatique et égalité filles-garçons dans le réaménagement de cours d’écoles : autant faire d’une pierre deux coups en modifiant les espaces et les parcours pour un usage équitable tout en les végétalisant avec une attention à la biodiversité (ce qui par ailleurs a pour impact de diminuer les violences et harcèlement). 

De même, la formation des auxiliaires de puériculture ou des assistant·es maternel·les à la santé environnementale (toxicité des produits, économies d’énergie, etc.) peut offrir des compétences nouvelles à des femmes, souvent issues des migrations, occupant des emplois précaires ou dévalorisés. 

Le soutien spécifique aux femmes s’orientant vers l’agriculture biologique en Île-de-France est également important si l’on considère qu’elles sont plus nombreuses parmi les jeunes à vouloir prendre la relève et que les femmes ont des pratiques plus vastes (activités multiples, écotourisme). 

Un autre point important : un certain nombre de collectivités territoriales ont adopté la Charte de l’égalité dans la vie locale, à transcrire en plans d’action assortis d’indicateurs. Actuellement, l’actualisation de la Charte en 2022 offre l’opportunité de mieux intégrer les questions du climat, de la transition écologique et des objectifs en termes de développement durable, car ces articles ont été enrichis.

D’autres exemples figurent dans cette étude d’Adéquations (2020) en cours d’actualisation. 

Comment Adéquations peut accompagner les collectivités territoriales à prendre en compte les enjeux de genre et d’égalité dans leurs politiques de transition écologique et réciproquement ?

Adéquations propose notamment une documentation sur les enjeux de genre, de transition écologique et de climat ; un suivi des COP Climat du point de vue du genre ; des conférences-débats ainsi que des sensibilisations et formations introductives à ces questions ; une exposition pédagogique en 10 panneaux intitulée « Transition écologique et égalité femmes-hommes ».

Si des collectivités souhaitent partager des expériences et bonnes pratiques sur ces croisements, nous pouvons les valoriser en les indexant dans notre dossier en ligne.

Contact : ynicolas@adequations.org

1. Pour en savoir plus sur les 17 objectifs de l’Agenda 2030 : https://www.agenda-2030.fr/17-objectifs-de-developpement-durable/.