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Publication de l’étude « Protéger les victimes de violences conjugales et prévenir les féminicides »

Mis à jour le 21/11/2024

Le Centre Hubertine Auclert publie une nouvelle étude inédite, intitulée Protéger les victimes de violences conjugales et prévenir les féminicides. Retour d’expérience d’effectifs de la Police nationale sur les outils et dispositifs visant à améliorer le recueil de la plainte et l’évaluation du danger.

Contexte, cadre de l’étude et méthodologie

Cinq ans après le Grenelle des violences conjugales et profitant du cadre propice du projet régional de formation des forces de sécurité, cette étude analyse le masque de plainte et la grille d’évaluation du danger, deux outils développés et rendus obligatoires afin d’évaluer le danger encouru par les victimes de violences conjugales et harmoniser le recueil de leur parole sur l’ensemble du territoire. Cette étude se fonde sur les données collectées dans le cadre du projet régional de formation des forces de sécurité mené en 20231 (questionnaires, fiches-bilan) ainsi que sur des entretiens auprès des effectifs de le police nationale et des personnes expertes.

Des améliorations depuis le Grenelle, mais encore perfectibles

La grille d’évaluation du danger, qui vise à identifier les situations de danger pour les victimes et à les protéger dès le dépôt de plainte, apparaît comme étant connue des effectifs, mais ses consignes d’utilisation et ses objectifs demeurent flous, ce qui conduit à une utilisation inadaptée. Elle n’est quasiment pas utilisée pour apporter une réponse de protection, et est davantage perçue comme une pièce de procédure en plus, ou utilisée comme aide à l’audition. Elle est aujourd’hui un outil qui reste insuffisant pour proposer des solutions de protection adaptées.

Le masque de plainte, qui vise à faciliter le recueil de la parole des victimes des victimes par l’ensemble des effectifs, peu importe leur niveau de connaissance sur le sujet, et ainsi à mieux qualifier les violences, apparait comme globalement connu des effectifs, mais son utilisation n’est pas systématique, malgré son caractère obligatoire. Le modèle diffusé au niveau national n’est pas utilisé partout, il existe des adaptations du masque sur les territoires qui entrainent un risque de disparité territoriale dans le recueil de la parole des victimes. Le masque comporte des manques dans sa structure, et notamment une grande majorité de questions fermées qui peuvent limiter la parole des victimes, et des manques dans son contenu, certaines violences n’étant questionnées qu’à la marge, en particulier les cyberviolences et violences sexuelles.

Des manques sur les cyberviolences conjugales

Plusieurs thématiques sont manquantes, ou abordées trop rapidement : c’est le cas en particulier des cyberviolences conjugales. Le masque de plainte et la grille d’évaluation du danger ne s’intéresse à cette thématique que partiellement, et elle est absente du référentiel national de prise en charge des victimes en danger, alors que neuf victimes de violences conjugales sur dix déclarent subir des cyberviolences2

Ce type de violences peuvent aggraver la situation de danger de la victime, en lien particulièrement avec le dépôt de plainte. Du fait du caractère omniprésent de ces violences, et parce que cette forme de violences laisse des traces, il est de la première importance que les cyberviolences soient détectées dès le dépôt de plainte afin de mieux caractériser la globalité de violences subies par la victime, prévoir les actes d’enquête adaptés et ainsi mieux poursuivre ces violences.

L’étude met en avant des bonnes pratiques à généraliser, pour mieux identifier et qualifier les cyberviolences conjugales.

Les enjeux spécifiques des services de police-secours

Les effectifs de police-secours, qui réalisent les interventions sur la voie publique, et à domicile, sont confrontés très régulièrement à des situations de violences conjugales.

Cette étude met en évidence une double difficulté rencontré par ces effectifs : le caractère particulièrement compliqué de ces interventions nécessitant des connaissances et compétences particulières sur le sujet des violences conjugales, et le manque d’outillage de ces effectifs pour évaluer le danger et apporter une réponse protectrice, en particulier lorsque les violences n’ont pas laissé de traces physiques sur la victime.

Ces difficultés sont accrues la nuit, du fait de l’absence des dispositifs existant le jour en commissariat (comme les intervenantes sociales et intervenants sociaux, et les psychologues) et à l’extérieur du commissariat.

Préconisations

Le Centre Hubertine Auclert formule dix préconisations opérationnelles, qui s’adressent aux acteurs et actrices du ministère de l’Intérieur et du Grenelle des violences conjugales.

Ces préconisations s’articulent autour de quatre axes, qui visent à :

  • Évaluer le danger et protéger les victimes : reconnaître le caractère dangereux de toute situation de violences conjugales, identifier les situations de très grand danger à travers la grille et y adosser les réponses de protection adaptées,
  • Prendre la plainte : améliorer le masque de plainte et clarifier les consignes de son utilisation, pour un meilleur recueil et qualification des faits,
  • S’assurer de la bonne connaissance et utilisation des outils en complémentarité,
  • Renforcer le traitement spécifique des violences conjugales par les services de police, au-delà des outils.

 

1. En 2023, le Centre Hubertine Auclert coordonne la 2ème édition d’un projet régional de formation des forces de sécurité en Île-de-France, portant sur l’accueil, le recueil de la parole et l’orientation des victimes de violences conjugales en commissariat et en gendarmerie.

2. Cyberviolences conjugales. Recherche-action menée auprès de femmes victimes de violences conjugales et des professionnel-le-s les accompagnant, Centre Hubertine Auclert, 2018.